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14 décembre 2011 3 14 /12 /décembre /2011 04:07

      1500ème anniversaire de la mort de Clovis

27 novembre 2011

      L'année 1996, dite du 1500ème anniversaire de la France, fut une année religieusement faste avec la venue en France de Jean-Paul II et de son célèbre discours: "France, qu'as-tu fait de ton baptême?"

      Or, le baptême de la France n'était autre que le baptême de celui qui était à sa tête, le roi Clovis. Si les media ont amplement couvert 1996, rien n'a été prévu pour 2011, en une étrange dissociation du baptême de la France et du baptême de Clovis, explicable en partie par l'image d'Épinal qui fait du premier de nos rois un barbare à moustache sans valeur personnelle, et encore moins spirituelle.

      Réévaluer ce dernier implique de surmonter plusieurs préjugés: premièrement, celui selon lequel le baptême de la France n'est pas le baptême de Clovis, ou bien de façon accidentelle et accessoire. C'est bien lui qui, par sa volonté décidée et sincère d'être baptisé, a communiqué à tout le corps social l'onction catholique et royale.

      Deuxième préjugé: que ce baptême de Clovis ne nous intéresse en aucune façon, nous qui vivons en République. Mais le commandement de "baptiser les nations"(Mt 28) s'applique aussi bien à la monarchie qu'à la République, et nous pouvons demander l'intercession des chefs passés pour le bien présent et futur de notre cité.

      Troisième préjugé: que parler du baptême de Clovis signifie un retour à de vieilles lunes nationalistes. Il faut ici rappeler que la royauté franque, à ses origines, n'était pas du tout française, mais européenne. Elle s'étendait à une bonne partie de l'Allemagne de l'Ouest, qui incluait d'ailleurs la plupart des tribus germaniques restantes, les tribus plus à ouest étant des tribus slaves.

      Quatrième préjugé: que le baptême de Clovis est un événement isolé dans l'histoire de l'Europe. Au contraire, ce fut un événement remarqué qui valut à Clovis d'obtenir le soutien de l'Empereur de Constantinople Anastase. Il s'ensuivit le concile d'Orléans de 511, fondateur des liens entre l'État et l'Église.

      Cinquième préjugé: que Clovis n'était pas un saint. Cela est vrai, mais son acte de foi à Tolbiac et son baptême l'emportent, à l'instar de Constantin et de David.

      En démolissant ces préjugés, il s'agit de montrer la validité de prendre Clovis pour intercesseur, pour notre pays et pour l'Europe, afin qu'il soit inscrit un jour au propre du diocèse de Paris, en attendant, peut-être un jour, qu'il devienne "saint Louis Ier."

 

Préjugé numéro 1: il faut distinguer du baptême de Clovis le baptême de la France, et, d'une façon plus générale, sa christianisation.

Il est vrai que la christianisation de la France s'est effectuée bien avant Clovis: par saint Lazare et les saintes Marie de la mer, par saint Saturnin, sainte Geneviève, etc.

Mais jusque là le christianisme demeurait purement privé; il n'avait pas cette dimension publique qui remplit seule le commandement donné par le Christ: "De toutes les nations faites des disciples, Baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés.."(Mt 28, 18-20) Le commandement du Christ est clair: il s'agit de baptiser les nations.

Commandement quelque peu énigmatique, à la réflexion. Comment peut-il être concrètement réalisé? Comment une personne morale de droit public peut-elle être baptisée? Sur lequel des trois éléments constitutifs de l'État selon la Drei Elemente Lehre du publiciste allemand Jellinek (1851-1911) (population, territoire, puissance étatique) le baptême doit-il être exercé? Sur la population, en passant à la lance à incendie tous les Gaulois et en les déclarant chrétiens? Sur le territoire, en déversant des Canadairs d'eau bénite sur la Gaule ou en défrichant à la serpe, en forme de croix, toutes les forêts françaises, par la mobilisation de tous les druides?

En fait, au lieu de baptiser massivement un territoire ou un seul peuple, il s'est agit, lors de la christianisation publique de la France, de ne baptiser qu'un seul d'entre les habitants de la Gaule: le roi des Francs.

C'est ce qui s'était passé lors de la christianisation du premier peuple chrétien, les Arméniens, en 301 : "Saint Grégoire l'Illuminateur baptisa le Roi d'Arménie Tiridate III... et peu après, le peuple arménien tout entier embrassa la foi chrétienne et reçut le baptême." (20 mai 301, pape Marcellin). Il s'agit donc de baptiser le roi, de façon à ce que tous ses sujets le suivent.

Dans la vision traditionnelle, en effet, le roi représente toute la Nation, et la récapitule en lui. Bien plus tard, Louis XV pourra ainsi dire "c'est en ma personne seule que réside la puissance souveraine (...) l'ordre public tout entier émane de moi et (...) les droits et les intérêts de la nation, dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains."(Louis XV, Séance dite de la flagellation au Parlement de Paris, 3 mars 1766).

Lors de l'initiation chrétienne, après immersion totale, c'est sur la tête que se fait l'invocation baptismale et la chrismation. Analogiquement, c'est sur la tête du corps social, le roi, que doit se faire le baptême. Le baptême du roi rejaillit sur tout le corps social. Par le baptême du roi, la nation est ainsi tout entière baptisée.

Et ce n'est pas seulement le roi en tant que personne privée qui est baptisée, mais aussi le roi comme personne publique. Kantorowicz a écrit une étude célèbre, les Deux corps du roi, sur cette distinction; de la personne biologique humaine sujette à la naissance et à la mort il faut distinguer la personne abstraite, le Roi, dépositaire de la Couronne et de la Souveraineté, intangible et éternelle, dont Kantorowicz esquisse un audacieux rapprochement, tiré de la théologie médiévale, avec l'être des anges. Clovis, par son baptême, allait baptiser en même temps la lignée qui allait sortir de lui - au moins nominalement, car certains de ses descendants immédiats demeureront fort barbares, et surtout, en outre, la charge royale française, en cours de constitution à l'époque. On pourrait même dire que la personnalité de Clovis demeure incluse dans la charge royale, puis dans la souveraineté française, au même titre que celle de Pierre demeure attachée à celle du Pape. De sorte que lorsque Jean-Paul II, à Reims, pose la question: "France, qu'as-tu fait de ton baptême?", France et Clovis sont quasiment interchangeables. Rappelons également que Clovis a pour forme germanique Chlodowig, d'où est également tiré le nom de "Louis."

En conséquence, le baptême de Clovis a eu un effet décisif sur l'avenir de la France. Nation née à la bataille des Champs Catalauniques (451), où le général romain Aétius avait su réunir Romains, Germains et Gaulois contre les armées d'Attila, et baptisée en 496, donc, lors du baptême de Clovis, qui avait annexé un peu plus tôt le royaume de Syagrius, héritier d'Aétius.

Il serait certainement exagéré de comparer le 'oui' de Clovis à celui de l'Annonciation, mais c'est bien la volonté explicite du monarque, à la bataille de Tolbiac, de devenir catholique, réalisée d'ailleurs le 25 décembre 496 (ou un peu plus tard) après un long cheminement dont on ne peut douter de la sincérité, passant notamment par le tombeau de saint Martin de Tours, qui fut le principe premier de la christianisation de la France. C'est donc à la volonté humaine d'un seul que notre pays doit son identité catholique initiale et son titre de fille aînée de l'Église, ayant donné à cette dernière tant de prêtres, d'auteurs spirituels, de saints et de missionnaires.

Préjugé numéro 2: le baptême de Clovis s'est déroulé en monarchie, or nous sommes en République, cela ne nous concerne plus.

Il est vrai que pareille conception de la politique n'est plus de mise aujourd'hui: elle correspond à une théologie politique bien déterminée, celle de la monarchie sacrale, dans laquelle non seulement la christianisation s'opère à partir du roi, mais encore les sujets suivent automatiquement la religion de ce dernier. C'est ainsi que le baptême de Clovis s'accompagna de celui de son aristocratie, et fut suivie d'une alliance décisive avec le clergé catholique.

Certes, la modernité politique a, depuis 1789, changé la donne. Notamment, l'enseignement de l'Église de ces derniers cent cinquante ans est clair: le christianisme est indépendant du régime choisi, comme l'avait proclamé Léon XIII dans son encyclique Au milieu des sollicitudes.

Il n'en reste pas moins que l'analogie baptismale est toujours valide. Il s'agit bien de baptiser des nations pour les rendre chrétiennes. Quel sera alors l'analogue du corps royal sur lequel s'opère le baptême du corps social tout entier? On peut affirmer qu'il s'agit de la Constitution d'un État, dont Olivier Beaud, dans un article récent, a mis au jour l'origine historique, et souligné l'analogie avec le corps humain. Dans son Histoire du concept de Constitution en France (in Jus Politicum, n.3, 2009), en effet, Olivier Beaud signale l'origine indissolublement médicale et politique du terme, la constitution d'un État étant originellement pensée par analogie à celle du corps humain.

La Constitution, en particulier son Préambule, où sont posés les principes fondamentaux de l'État, représentent ainsi la "tête" de l'ordre politico-juridique organisant le corps social. Le président de la République, héritier, en France, de l'aspect exécutif de la souveraineté royale, de même que l'Assemblée Nationale, héritière de l'aspect législatif, doivent dans tous les cas respecter la Constitution, qui se trouve au sommet de la hiérarchie des normes juridiques décrite par Kelsen.

Et, à l'étranger, les Nations reposant sur des principes religieux ne sont pas rares. On peut citer les régimes à religion d'Etat, comme l'Iran ou l'Arabie Séoudite, ou, en fait, la plupart des pays arabes. Mais, curieusement, c'est également le cas de certaines démocraties occidentales, et non des moindes.

Etats-Unis

Les Etats-Unis ne font pas mention directe de Dieu dans leur Constitution, mais plutôt dans la Déclaration d'Indépendance, qui indique ainsi: "nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables."(Déclaration d'Indépendance, 4 juillet 1776). Inspirée de Locke et du théisme, la Constitution fonde l'ordre social sur les droits de l'Homme, et les droits de l'Homme sur la Création.

Quant aux constitutions des États américains, toutes mentionnent Dieu dans leur Préambule, à l'exception du New Hampshire, du Vermont et de la Virginie - qui n'ont pas de préambule; du Tennessee (même s'il est fait mention de Dieu dans les dates), et de l'Oregon, seul État délibérément neutre sur la question. La plupart des préambules expriment de la reconnaissance ("gratitude") envers Dieu (Alaska, Arizona, Arkansas, Californie, Connecticut, Floride, Hawaii, Idaho, Indiana, Iowa, Kansas, Kentucky, Louisiane, Maine, Maryland, Massachusetts, Michigan, Minnesota, Mississippi, Missouri ; Montana, Nebraska, Nevada, New Jersey, New Mexico, New York, North Carolina, North Dakota, Ohio, Pennsylvanie, Rhode Island, South Carolina, South Dakota, Utah, Washington, Wisconsin, Wyoming); ou bien du respect ("reverence") (Colorado, Missouri); la faveur et l'inspiration rectrice de Dieu ("guidance") sont pareillement invoqués (Alabama; Georgie; Oklahoma; Pennsylvania).

La Constitution est en outre pensée, dans certains États, comme moyen de s'assurer des bénédictions divines (Illinois, Kentucky, Maine, Michigan, Minnesota, Mississippi, Nevada, New Jersey, New Mexico, New York, North Carolina, North Dakota, Ohio, Oklahoma, Rhode Island, South Dakota,Texas, West Virginia, Wisconsin, Wyoming). Certains États, par ailleurs, affirment explicitement que la liberté civile et religieuse ainsi que les droits de l'homme sont d'origine divine (Alabama, section 1; Arizona, Préambule, Californie, Préambule, Connecticut, Préambule, Delaware, Floride, Illinois; Indiana Art. 1 sec.1; Kansas; Maryland, North Carolina Art. 1 sec.1).

Une constitution mentionne un devoir de religion envers le créateur (Virginie art. 1 sec. 17). Enfin, un certain nombre d'Etats refusent d'accorder des charges civiles aux athées ou bien de donner validité à leur témoignage en cour (Arizona, art. 19, Maryland, Decl. of Right, art. 37; Pennsylvanie art. 1 sec. 4; Tennessee art 9 sec. 2, Arkansas art. 19 sec.1; Maryland art. 36, 37). Mississippi art. 14 sec.265; North Carolina, art 6 sec 8; South Carolina Article 6, Section 2; Tennessee, Article 9, Section 2; Texas - Article 1, Section 4) Et dans de très nombreux États, le serment d'entrée en fonction dans une charge civile s'accompagne d'un appel à l'aide divine.

Europe

De nombreux États Européens mentionnent Dieu dans leur Constitution. Cette mention se fait sous deux formes: celle d'une invocatio Dei, par laquelle Dieu est explicitement invoqué comme fondateur, au moins en partie, de l'ordre juridique, et d'une evocatio Dei, qui fait allusion à Dieu de façon indirecte, en rapport à l'héritage spirituel ou culturel d'une Nation, par exemple.

Les invocations les plus remarquables se trouvent dans la constitution irlandaise de 1937: "Au nom de la Très Sainte Trinité, dont dérive toute puissance, et à qui il faut rapporter comme à notre but suprême toutes les sanctions des hommes et des États, nous, peuple d'Irlande, reconnaissant avec humilité toutes nos obligations envers notre divin Seigneur Jésus-Christ (...), nous donnons à nous-même la Constitution ci-après". La Constitution est ensuite signée "à la gloire de Dieu et pour l'honneur de l'Irlande" (1937). La Constitution grecque de 1975 est faite "au nom de la Trinité Sainte, Consubstantielle et Indivisible", et son article 3.1 fait de l'Eglise orthodoxe la "religion dominante", "reconnaissant pour Chef Notre Seigneur Jésus-Christ." La loi fondamentale allemande de 1949 mentionne la "responsabilité devant Dieu du peuple allemand".

D'autres États font indirectement mention de Dieu: la Macédoine parle de l'"héritage spirituel" du peuple macédonien (Constitution de 1991), la Pologne de l'"héritage chrétien" de la nation (1997); la Slovaquie de "l'héritage spirituel des saints Cyrille et Méthode"(1992), la Tchéquie des "richesses spirituelles"(1992).

France

Mais qu'en est-il de la France? Nulle trace du divin dans la Constitution de la Vème République, ni dans celle de la IVème, ni dans la Déclaration des Droits de l'Homme de 1946.

Cependant, il y a bien une mention de Dieu dans le Préambule de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, qui appartient au "bloc de constitutionnalité" sur lequel repose tout l'édifice politico-juridique français. L'alinéa 2 du Préambule énonce en effet: "l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen".

"En présence de l'Être Suprême": l'expression est vague et délibérément neutre. Présence, mais quel mode de présence? Quelle nécessité il y a-t-il pour une Assemblée Constituante de déclarer des droits de l'Homme "en présence de l'Être Suprême"? Qu'est-ce que cela signifie juridiquement et constitutionnellement?

La République reconnaît donc l'existence d'un Être suprême. Le droit constitutionnel n'a pas encore dégagé les droits de cet Être, qui dans la pratique semble pourtant n'en avoir aucun, dans la mesure où personne n'en parle, ou, quand on le fait, c'est ou bien pour le critiquer de mal diriger des sociétés qui ont choisi de se diriger sans lui, ou bien de l'exposer aux derniers outrages par diverses performances artistiques.

Les rédacteurs du texte ont ainsi précisé leur pensée: "en présence et sous les auspices de l'Être Suprême." Les auspices explicitent la "présence" mais intègrent un élément nouveau. Le Littré et le dictionnaire de l'Académie Française explicitent "auspice" comme "direction", "protection", "influence".

Comment interpréter cette "influence"? Évidemment dans le sens qui est le plus favorable au peuple français. "Sous les auspices de l'Être Suprême" signifie: nous avons tous les droits et Lui aucun, nous n'avons aucun devoir et lui les a tous. Il s'agit en fait d'extorquer à l'Être Suprême le maximum tout en lui donnant en retour le moins possible, en une anticipation frappante des relations que les Français entretiendront avec leur État à l'avenir. Telle est la Nouvelle Alliance à la Française, censée supplanter toutes les autres, où, après avoir tout obtenu de Dieu, le peuple français ne lui accorde plus rien. Le deal, l'arnaque plutôt, est prodigieusement séduisant, et l'on comprend que la démocratie à la Française ait fait des émules dans le monde entier.

Dans tous les cas, on s'aperçoit que Dieu n'est pas du tout absent de l'ordre politico-juridique des Nations Occidentales, en dépit de leur légendaire attachement à la laïcité et à l'athéisme. Et cela même s'il y a à proprement parler que l'Irlande, qui mentionne "le Père, le Fils, le Saint Esprit" dans le Préambule de sa Constitution. Faire mémoire de Clovis, c'est ainsi faire mémoire de l'identité catholique originelle de l'Europe, partie intégrante de son héritage spirituel.

Préjugé numéro 3: s'intéresser au baptême de Clovis, c'est bon pour les nationalistes.

Hélas, il y a bien eu une récupération séculaire de Clovis par le peuple français. Il faut dire que ce dernier avait quelque titre à cela, dans la mesure où il fut non seulement le premier des rois de France, mais également le premier à installer sa capitale à Paris.

Mais si la dimension française de son règne fut essentielle, elle ne fut pas exclusive. Tout d'abord, il ne s'agissait après tout pas d'un Gaulois ni d'un Romain, mais d'un Franc, appartenant à l'une des tribus germaniques situées sur le Limes de l'Empire Romain.

 

Saliens400

 

En outre, le royaume originel de Clovis et de ses pères s'étendait sur une partie de la France, du Bénélux et de l'Allemagne actuelles.

      En 481, à la mort de son père Childéric, chef de la tribu des Francs, parmi les Germains les plus romanisés, il accède au pouvoir dans un territoire centré sur Tournai. Saint Rémi, évêque de Reims, le félicite et lui envoie une lettre l'incitant à gouverner selon de bons principes.

      En 486, il annexe le royaume de Syagrius, dont la capitale est Soissons; ce royaume était le dernier royaume "romain." Soissons devient la capitale. En 493 il épouse la princesse burgonde Clothilde, catholique même si la Bourgogne est arienne.

Le 25 décembre 496 (ou 498, 499), après le fameux vœu de Tolbiac par lequel il avait promis de se convertir au "dieu de Clothilde" s'il gagnait une bataille contre les Alamans, Clovis est baptisé.

En 507-508 il bat les Wisigoths en Aquitaine et annexe leur royaume. A Tours, de la main des envoyés de l'empereur romain d'Orient Anastase, il reçoit les codicilles du consulat, le faisant aussi bien consul qu'Auguste. Auréolé de son double prestige impérial et religieux, il élimine les petits rois locaux et soumet les Francs Rhénans. En 508 il fait de Paris sa capitale. En 511 il tient le concile d'Orléans, confirmant l'alliance avec l'Église Catholique. Il meurt le 27 novembre 511.

 

Clovis511

 Francs814

 

Comme on le voit, ce n'est pas l'Empire de Charlemagne qui est à l'origine de l'Europe actuelle, mais bien plutôt le royaume Franc de Clovis, qui, parti du centre de l'Europe de l'Ouest, s'est étendu en Gaule, en Bavière et dans l'ouest de l'Allemagne. Bizarrement, le royaume initial de Chlodomir et de Clovis semble avoir eu une forme de croix.

Il est à noter que les tribus germaniques occupaient seulement l'ouest de l'Allemagne actuelle, le reste étant peuplé de tribus slaves qui furent repoussée plus tardivement, lors de l'"Ostsiedlung", comme le prouve la carte suivante:

 

Ostsiedlung

 

S'il est vrai qu'il faudra attendre Charlemagne pour que toutes les tribus germaniques, ou peu s'en faut, tombent dans le royaume carolingien, le royaume franc de Clovis en incluait déjà la plupart.

      En conséquence, le royaume de Clovis est davantage l'ancêtre de l'Europe actuelle, centrée sur le couple franco-allemand, que de la France. C'est ce qu'a par exemple indiqué Patrick J. Geary, dans son livre Before France and Germany : The Creation and Transformation of Merovingian World, Oxford University Press, 1988. C'est pourquoi il n'y a aucun sens à limiter sa célébration à un contexte purement français.

      En fait, Clovis est davantage, par delà les siècles, le père de l'Europe que de la France, davantage l'ancêtre d'Hermann von Rompuy (faute d'un exécutif européen plus fort) que de Sarkozy. A ce titre, il mérite tout notre intérêt, surtout en ces temps difficiles où l'Europe apparaît si menacée.

      Préjugé numéro 4: le baptême de Clovis est un événement isolé dans l'histoire du monde

      Le baptême de Clovis aura au contraire retenu toute l'attention de l'Empereur romain de l'époque. En effet, l'empire romain d'occident a été submergé par les tribus germaniques, toutes païennes ou ariennes; au milieu du IVème siècle en effet, des évêques ariens, ancrés près du Danube, avait eu l'occasion de convertir à l'arianisme des tribus germaniques, notamment, par l'évêque goth Wulfila, les Vandales et les Wisigoths, qui à leur tour convertiront les Suèves et les Burgondes lors de leur domination en Hispanie et en Gaule. L'autorité romaine elle-même s'est effondrée: Julius Nepos, le dernier empereur romain d'Occident reconnu par l'Orient, est chassé de son trône en 475 et meurt en 480; un successeur, Romulus Augustule, sera moins de dix mois au pouvoir, et en sera chassé en 476. De fait, en 495, toute l'Europe de l'Ouest a basculé dans l'arianisme.

      La conversion de Clovis, en 496 marque ainsi, certainement, un tournant majeur dans l'histoire européenne, confortée qu'elle sera par les victoires ultérieures du roi. L'Europe deviendra ainsi peu à peu chrétienne. Le royaume wisigoth, refoulé en Espagne après la bataille de Vouillé en 507, annexera le royaume des Suèves en 475. L'Empire Hispanique ainsi créé demeurera farouchement arien, voulant s'imposer comme égal à l'Empire Romain, mais deviendra catholique en 589 sous l'impulsion de Récarède et de Léandre de Séville, avant d'être conquise par les Musulmans en 711. L'Angleterre sera évangélisée par le moine Augustin dès 597, qui convertira le roi Aethelbert. Dans la péninsule italienne, les Ostrogoths ariens mèneront une politique de ségrégation, puis de persécutions des catholiques. La mort de Théodoric en 527, par ailleurs beau-père de Clovis, qui rêvait de constituer un Empire d'Occident gothique et arien, amènera Constantinople à reconquérir, après des guerres épuisantes, toute l'Italie en 555, qui redeviendra ainsi catholique, avant de tomber sous la férule des Lombards, également ariens, en 568. Charlemagne arrivera à les vaincre au VIIIème siècle.

      On le voit, la France, en Europe de l'Ouest, avait un double privilège: celui de la précocité et celui de la stabilité. Précocité, car c'est le premier royaume catholique à apparaître sur les décombres de l'Empire Romain finissant. Stabilité, car il restera chrétien en dépit des luttes intestines qui le grèveront après la mort de Clovis et jusqu'à Charlemagne.

      C'est pourquoi, après la victoire de Vouillé sur Alaric en 507, Clovis, fera l'objet de toutes les attentions de la part de Constantinople, heureuse de voir un chef catholique prendre le dessus sur le chaos arien. Comme l'écrit Grégoire de Tours: "or donc, Clovis reçut de l'empereur Anastase les codicilles du consulat, puis il se rendit dans la basilique du bienheureux saint Martin, et revêtu de la tunique pourpre et de la chlamyde, il plaça sur sa tête le diadème. Alors, monté sur un cheval, il distribua largement l'or et l'argent... de sa propre main sur les foules rassemblées." Comme le rappelle Michel Rouche (le Baptême de Clovis, son écho à travers l'histoire), cela signifie certainement que Clovis avait reçu la qualité de consul honoraire, faisant de lui un précieux auxiliaire de Constantinople, à l'instar d'un grand général romain, mais que, franchissant un Rubicon symbolique après avoir battu les Wisigoths d'Alaric à Vouillé, il avait transformé la cérémonie en légitimisation sacrale d'un quasi-empereur, aiguillonné par les exemples de Théodoric et des Wisigoths. Chapitre important dans la formation de l'Etat-Nation, anticipant sur la formule du Moyen-Âge: "le Roi de France est empereur en son royaume."

      La dimension religieuse de son sacre fut d'autant plus marquée qu'elle se déroula dans la basilique saint Martin de Tours, saint Martin étant l'un de ses saints préférés. C'est ainsi qu'au concile d'Orléans de 511, Clovis fut nommé "Rex Gloriosissimus" et "fils de la Sainte Église catholique".

Préjugé numéro 5: Clovis n'était pas un saint

Certes, ce n'est pas un préjugé, c'est la réalité. Les diverses narrations de son règne font état de méthodes peu recommandables concernant la gestion des affaires temporelles, notamment dans l'élimination des diverses principautés qui menaçaient son pouvoir. Grégoire de Tours raconte ainsi qu'il payait en fausse monnaie des assassins pour trucider les princes rivaux. Il semble que ce soit après le couronnement de Tours qu'il céda à ses méthodes expéditives, se sentant au-dessus des lois après avoir reçu un soutien massif des évêques. On peut du reste faire une lecture théologique des suites historiques de ses crimes: comme dans l'Ancien Testament, la justice divine le frappa à l'âge mûr, à 45 ans, et se vengea sur ses descendants, qui furent la proie des divisions et de l'inaction jusqu'à l'avènement des Carolingiens, Pépin et Charlemagne faisant figure de rédempteurs après les tragiques divisions des derniers mérovingiens, restaurant, ne serait-ce que brièvement, l'unité perdue de l'Europe.

Est-ce une raison pour lui retirer l'immense mérite de son acte de foi à Tolbiac et d'avoir sincèrement accepté le baptême? N'est-ce pas grâce à lui que la France et l'Europe doivent leur identité catholique première? Le roi David n'a-t-il pas, pareillement, commis de grands crimes, tout en étant inscrit dans la liturgie? Saint Constantin n'a-t-il pas été impitoyable envers ses ennemis avant d'être baptisé à sa mort, comme c'était coutume courante à l'époque?

Il semble qu'en vertu d'une disposition spéciale de l'économie spirituelle divine, les saints ne sont reconnus par l'Église qu'en prenant progressivement de l'avancement au ciel même. Comment expliquer sinon que sainte Jeanne d'Arc ait été canonisée aux lendemains de la Première Guerre Mondiale, où elle fut tellement invoquée? Cette opinion peut sembler quelque peu audacieuse, mais toujours est-il qu'en ayant recours à son intercession, nous pourrons obtenir des grâces pour notre pays et notre continent, le tirant de son purgatoire de mauvaise réputation, en vue d'obtenir, sans doute, son inscription au propre du diocèse de Paris, l'inscrivant dans le cercle vertueux de la communion des saints.

H.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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